Alors, dans la lignée de son célèbre don't be evil", Google tente d'aider avec des mécanismes comme le récent programme "1st Click Free" où l'internaute ne peut chaque jour accéder gratuitement qu'un nombre limité d'articles lorsqu'il est envoyé par Google News qui génère ainsi 1 milliard de vistes mensuelles vers les sites éditoriaux.
Eric Schmidt, son CEO, a récemment défendu sa société dans un long article du Wall Street Journal: il tente d'expliquer finalement que c'est plutôt l'Internet et ses mécanismes d'optimisation extrême des coûts de production et distribution de contenu qui sont à blâmer plutôt que sa compagnie en elle-même. Par sa position de figure de proue, elle est devenue bouc émissaire selon lui!
Pour se défendre, il rappelle le milliard de visites mensuelles envoyées vers les sites de presse par Google News et y ajoute 3 milliards depuis le moteur de recherches pour montrer la bonne volonté de Google. Google retire d'ailleurs tout site de son index sur simple demande mais ceux qui s'y sont essayé ont fait machine arrière: la part des revenus alors perdus est trop conséquente.
E. Schmid va enfin jusqu'à parler de l'autosatisfaction passée des journaux, souvent générée par la facilité d'un monopole local pour dire qu'ils se sont endormis mais qu'il est encore temps de se remonter les manches tous ensemble pour trouver de nouvelles voies honorables de sortie de cette mutation structurelle de la presse qui est en cours.
Pierre Chappaz dans son analyse de la situation dit. " Le boss de Google veut rassurer: Internet ne va pas tuer l'info, comme la télé n'a pas tué la radio. Il y aura toutes sortes de modèles gratuits et payants, les meilleurs media ont déja compris l'importance de rassembler leurs lecteurs en communautés.
Petit coup de griffe au passage: " Murdoch lui-même dit que c'est l'endormissement des journaux, dû à leur situation passée de monopoles, qui les a mis dans ces difficultés, pas la technologie". A mon avis il y a un peu des deux :-)"
Moi, je dois avouer que je vois une discrépance quasi-léthale entre presse et Internet dans la situation actuelle.En effet, selon un rapport Moody's de juin 2009, les journaux investissement seulement 14% de leur coût dans la création de contenus et 16% dans la structure de vente publicitaire pour 70% dans les frais de production (composition) , d'impression et de distribution du produit ainsi que dans la gestion de la société.
A première vue, on peut donc certainement affirmer que les journaux n'investissent pas assez (en proportion) dans la création de contenus pour leur produit actuel: trop d'argent passe dans les commodités et le "confort" d'entreprise.
Mais, il serait par contre faux d'en tirer la conclusion qu'il suffit de stopper la rotative pour que les sites de presse en ligne deviennent des vaches à lait: les revenus en ligne des éditeurs sont actuellement pour la plupart d'entre eux tellement faibles que la seule chance de survie de la rédaction en ligne est d'être "noyée" dans la rédaction papier qui se fait elle-même très discrète et petite derrière les 70% évoqués plus haut.
Les rédactions de presse actuelles sont construites pour fonctionner au sein d'une infrastructure massive qui les rend financièrement acceptables mais elles seraient toujours bien trop grosses pour fonctionner rentablement dans un monde purement Internet où leurs coûts seraient prohibitifs face aux revenus tellement plus maigres du monde Internet.
Je ne dis pas que la taille n'est pas justifiée pour un journalisme de qualité (investigations longues, etc.) traditionnel du monde papier, je dis seulement que ce journalisme n'est plus finançable par les revenus issus de l'Internet. Il faut donc souhaiter que nous soyons tous volontaires pour continuer à acheter du papier...
Pour survivre dans les news sur Internet, il faut à mon avis être né après l'émergence du réseau des réseaux mais pas avant: très peu de chances d'adapter sa structure de coût si on n'est pas "né dedans". On est clairement ici dans un cas d'école du célèbre Innovator's Dilemma du C. Christensen. La meilleure preuve: le Huffington Post, justement étalon du "né dedans", a lancé un fonds de financement externe du journalisme d'investigation: il ne peut pas l'intégrer à ses finances courantes et doit donc le traiter de manière exceptionnelle..
Le petit nouveau sans importance d'il y a 10 ans (le Net) est devenu le Grand Méchant Loup: l'impact de l'Internet sur les rédactions va encore être très violent.
La bascule des utilisateurs vers l'Internet pour leur consommation médiatique va encore augmenter la pression sur les rédactions traditionnelles puisque la diminution de l'imprimé va faire augmenter leur quote-part dans la structure de coûts des groupes médiatiques qui ne récupéreront jamais dans la main gauche (revenus publicitaires online) les revenus laissés échappés par la main droite (revenus publicitaires papier) même si on ne parle que la proportion de ces revenus correspondant aux coût de création du contenu....
C'est là que je vois la discrépance potentiellement léthale entre presse et internet, titre de cet article. En effet, Wiktionary définit cette discrépance comme "Simultanéité désagréable de sons, de sensations, d'avis, etc., qui ne s'accordent pas.". C'est exactement le sujet!
Source: blog Media & Tech (par didier durand)
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