mardi, janvier 17, 2006

Infocapitalistes et pronétaires: collaboration possible ... et fructueuse!

Dans leur nouveau livre, La révolte du pronetariat et dans le blog associé, J de Rosnay et Carlo Revelli évoquent la nouvelle lutte de classe entre infocapitalistes (= médias traditionnels) et pronétaires (= membres de la blogosphère et acteurs du Web 2.0 - " bichonnés" stratégiquement par Yahoo).

Ainsi, J . de Rosnay dit dans cet interview: "
  • ... Ces nouvelles pratiques mettent désormais en cause les modèles traditionnels industriels et commerciaux de production et de distribution
  • ..... La création collaborative et la distribution d’informations de personne à personne, confèrent de nouveaux pouvoirs aux utilisateurs, jadis relégués au rang de simples « consommateurs.....
  • ....Je voudrais donc témoigner aujourd’hui de cette nouvelle lutte des classes entre ceux que j’appelle les « infocapitalistes » détenteurs des contenus et des réseaux de distribution et les « proNétaires », nouveaux producteurs et acheteurs de biens et services produits par eux-mêmes en ligne sur les réseaux...."
Dans mon billet sur le blog www.pronetariat.com, je défends plutôt l'idée que la solution ultime pour les 2 parties est une collaboration harmonieuse fondée sur un équilibre sain: "
  • ...il existe pour moi une autre vision : celle de la cohabitation, voire de la collaboration, plutôt que celle de l'opposition....
  • ...les journaux vont trouver enfin, avec le Web2.0 qui émerge, la bonne réponse à leur quête incessante depuis leur genèse des moyens les plus efficaces pour dialoguer avec leurs lecteurs ! "
Je me sens actuellement un peu isolé avec cette théorie ;-) au moins, Guillaume partage mon point de vue. Ouf, on se sent moins seul!

Et, puis, la Neue Zürcher Zeitung vient d'illuster par des exemples concrets que la collaboration entre infocapitalistes et pronetaires peut exister:
  • La rédaction du journal de Saarbrück permet depuis Janvier à ses lecteurs de lui faire parvenir des emails, sms, mms, faxes d'alertes sur des informations locales. Ils sont ensuite directement intégrés dans les systèmes rédactionnels pour être - pour les meilleurs d'entre eux - publiés sur Internet ou dans le titre papier.
  • le journal VG ("Verdens Gang" ) de Oslo qui fait partie du groupe Schibsted (qui publie aussi 20Min dans plusieurs villes de France) est clairement le pionnier. Cela fait 2 ans qu'il utilise les forces de ses pronétaires locaux pour fabriquer un meilleur journal: ils lui envoient plus de 5'000 informations sous forme multimédia par mois dont 20% sont réutilisables pour publication dans le titre papier tiré à 380'000 ex. ou sur le site Web. L'exemple (tristement) fameux de VG est qu'il a été le tout premier en Norvège à pouvoir publier des photos du tsunami de Noël 2004: ses lecteurs en vacances sur place l'ont instantanément alimenté en contenu exclusif!
Vu son propre modèle de fonctionnement à but lucratif, VG adopte une démarche réaliste: il paie les citoyens pronétaires qui collaborent avec lui.

De 20 euros pour une alerte de base, on peut aller jusqu'à 2'400 euros pour le scoop de grande envergure! VG paie au total environ 150'000 euros par an pour obtenir ce contenu exclusif via ses lecteurs. C'est finalement une toute petite somme quand on équilibre avec l'esprit de communauté et la fidelité qu'une telle approche génère parmi les lecteurs.

Pour conclure, je reprendrai la vision de Dan Gilmor, l'ex-chroniqueur du San Jose Mercury News devenu évangéliste du journalisme citoyen:

"Cette nouvelle forme de journalisme fait son chemin, un journalisme participatif dans lequel des non-journalistes ajoutent ce qu'ils savent à propos d'un sujet pour qu'ensuite les journalistes et les autres y creusent de quoi reconstruire la réalité. C'est un changement majeur, c'est ce qui m'intéresse, la complémentarité entre journalisme professionnel et journalisme citoyen : il vaut mieux plusieurs voix qu'une seule, et la technologie permet cela."

Laissons juste un peu de temps de temps pour que les pièces du puzzle actuel finissent par trouver comment s'assembler entre elles. Il y aura bien sûr à limer les quelques contours encore trop anguleux!

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Evidemment d'accord avec toi, d'ailleurs je pense qu'au fond Joël n'est pas en désaccord non plus. Il l'a dit dans une interview récemment sur France Culture, les médias traditionnels ne sont pas morts, ne serait-ce que parce qu'ils ont leur "marque" et donc une crédibilité auprès du public. Il faudra simplement qu'ils sachent transformer cette marque sur Internet en ne s'enfermant pas dans les vieux mécanismes. C'est le lot de toute entreprise.

Par ailleurs merci pour le lien et pour l'info sur le journal de Saarbrück. On dit qu'internet est un monde anglophone mais plus ça va plus je regrette de ne jamais avoir appris l'allemand ;-)

Amicalement,
Guillaume

Didier Durand a dit…

Bonjour Guillaune,

Ce billet a été repris par Agoravox.

Joel de Rosnay m'y a fait le plaisir d'un commentaire dans lequel il confirme qu'il voit aussi un chemin de collaboration harmonieuse entre les 2 camps.

Voir http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=6115

PS: l'allemand est très souhaitable pour se débrouiller professionnellement en Suisse. Dans l'Est de la France et dans ma jeunesse, c'était la 1ère langue étrangère standard. Cela m'aide maintenant...