La récente décision du TGI de Paris condammant Google et son pdg Eric Schmidt pour diffamation suite aux mots-clefs de recherche peu agréables associés au nom du plaignant va sans doute faire date dans la jurisprudence française voire internationale !
Elle est abondamment détaillée sur le fond par Guillaume.
Les anti-américanistes primaires vont s'en réjouir ("Google condamné, cool!") mais ils ont à mon avis grand tort: cette décision pourrait en effet plutôt annihiler les efforts innovants de bon nombre de startups technologiques, nettement moins bien équipées que Google en termes de défense juridique et avec des poches bien profondes que le géant de Mountain View pour payer les factures d'avocats. Et, si la situation de l'innovation numérique se fige ou ralentit très fortement dans la situation actuelle, l'Europe n'aura seulement perdu plusieurs batailles mais la guerre...
En effet, la phrase clef de ce jugement est à mon avis. "les algorithmes ou les solutions logicielles procèdent de l’esprit humain avant que d’être mis en œuvre" et de celle-ci le TGI déduit alors que ces algorithmes engagent la responsabilité de ceux qui les produisent / utilisent donc celle de Google dans le cas présent.
Même si, prise au pied de la lettre, cette assertion est bien sûr correcte. Elle pose un vrai problème car, par analogie, elle peut potentiellement mettre en danger tous les sites qui publient des éléments de contenu à partir de l'application d'algorithmes sur leur matière première: de l'information numérique produite par leurs utilisateurs directes ou collectées sur d'autres sites.
Le tribunal a ici appliqué cette assertion à des mots-clefs à connotation diffamante couplés par les recherces d'autres internautes mais la voie est ouverte pour d'autres procès:
tous les agrégateurs de contenu (Wikio, Digg, etc...) dont les algorithmes mettent en première page des informations parfois "litigieuses" vont désormais risquer de tels procès à leur tour. Idem pour les réseaux sociaux (Facebook en tête!) qui republient des informations à la demande de leurs membres. En général, ce sont les plus salaces qui circulent le plus vite grâce à ces algorithmes par toute "l'émotion" qu'elles suscitent-.
Ces sites doivent donc se munir, si ce n'est pas déjà fait, d'une équipe d'éditeurs prêts à éradiquer tout contenu dès qu'il est contesté par les acteurs qu'il met en cause à leur demande. Cela leur assurera au moins la conformité à la loi LCEN.
Ce faisant, ces sites vont acquérir un côté éditorial de plus et plus marqué (alors qu'ils veulent le fuir pour continuer à pouvoir fonctionner à grande échelle sans d'immenses coûts humains ...) et donc s'exposer encore plus aux attaques juridiques issues de la sélection manuelle toujours plus intense qu'ils vont devoir réaliser pour "corriger" les résultats imparfaits de leurs algorithmes. Le piège du cercle vicieux!
Des procès similaires à ceux de Fuzz ou Wikio (gagnés par ces startups au 1er tour) ou d'autres cas Google pourraient alors ré-émerger à court terme pour un deuxième test face à cette nouvelle jurisprudence! Par exemple, le célèbre "trou du c..." présidentiel récent à côté duquel vous n'avez pas pu passe ces dernières semaines: là aussi, ce sont les algorithmes de Google qui ont amené cette page en haut des résultats pour ces mots-clefs. L'argument si souvent utilisé par Google "c'est pas nous, c'est nos algorithmes" ne tient plus....
Cette décision ne vient-elle donc pas d'ouvrir la boîte de Pandore ? A tort ou à raison: pour moi, ce n'est pas évident é ce moment....
PS: ces coups de balanciers judiciaires d'un côté puis de l'autre sont normaux. Il n'est pas évident de trancher ces situations toutes fort similaires où il s'agit de juger le résultat indirect du travail (algorithme) d'une personne / d'une équipe par sa matérialisation (les résultats du moment) qui peut arriver des mois ou des années après l'écriture dudit algorithme, c'est à dire dans un contexte nouveau et différent.
Source: blog Media and Tech (par didier durand)
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